

Japon: doublement des prix du riz sur un an, l'inflation accélère plus qu'attendu
Les prix à la consommation au Japon ont accéléré plus qu'attendu en mai, tirés par un doublement des prix du riz sur un an en dépit des efforts du gouvernement pour enrayer leur flambée.
La hausse des prix à la consommation (hors produits frais) s'est élevée à 3,7% sur un an le mois dernier, au plus haut depuis janvier 2023, accélérant après 3,5% en avril.
Ce chiffre dépasse la prévision des économistes sondés par Bloomberg (+3,6%), et s'établit très au-delà de la cible de 2% fixée par la Banque du Japon (BoJ). L'inflation hors énergie et produits frais a accéléré à 3,2%, contre 3% en avril.
La vertigineuse envolée des prix du riz s'intensifie: ils ont bondi de 101% sur un an, plus forte hausse depuis le début des statistiques comparables il y a un demi-siècle.
Le riz, céréale de base dans l'archipel, flambe depuis l'automne dernier, et s'était déjà renchéri de 98,4% en avril.
La récolte 2023 (consommée l'an dernier) avait été pénalisée par des chaleurs record, tandis que la demande était, elle, gonflée par des achats paniques suivant un avertissement au "mégaséisme", par le renchérissement des aliments importés et un tourisme record.
Surtout, des négociants stockaient du riz pour muscler leurs profits à terme, selon les experts.
Soucieux, le gouvernement a débloqué ces derniers mois des stocks de riz tirés des réserves stratégiques, mis aux enchères puis fournis directement aux magasins - avec un succès mitigé.
- Chèques aux ménages -
Plus généralement, les prix de divers produits alimentaires grimpent, du café au chocolat.
Autre facteur d'inflation dans les services (hôtellerie, restauration...): un nombre record de visiteurs étrangers (3,7 millions en mai).
Enfin, les factures d'électricité ont gonflé de 11,3% et celles du gaz de 5,4%.
Pour tenter d'atténuer l'impact sur les ménages et à l'approche d'élections sénatoriales en juillet, le Premier ministre Shigeru Ishiba a étendu les aides au logement, prolongé des subventions à l'énergie, et s'est récemment engagé à verser des chèques de 20.000 yens (120 euros) par citoyen.
L'archipel, longtemps englué dans une inflation nulle voire négative, est confronté à un rebond inflationniste, l'indice des prix dépassant systématiquement 2% depuis avril 2022.
Or, "l'instabilité des mesures politiques et le temps de latence de répercussion sur les consommateurs font que l'inflation ne reculera que très graduellement", sans que les hausses de salaires ne la compensent, représentant une perte continue de pouvoir d'achat, souligne Stefan Angrick, économiste de Moody's Analytics.
De quoi désoler Chika Ohara, intérimaire tokyoïte de 52 ans.
"Mes salaires stagnent depuis des années et je ne vois aucun signe de changement. Mais les prix augmentent malgré tout et j'en subis les conséquences", a-t-elle dit à l'AFP dans les rues de la capitale.
- "Inextricable" pour la BoJ -
La trajectoire de l'inflation représente "une situation inextricable" pour la banque centrale, ajoute M. Angrick.
"Une hausse des taux de la BoJ pour freiner la faiblesse du yen et l'inflation risquent de nuire à la croissance économique", alors que le PIB a déjà stagné au premier trimestre, mais si la BoJ ne fait rien, "l'inflation pourrait rester élevée et maintenir la consommation à un niveau faible", explique-t-il.
Pour l'heure, l'institution semble privilégier le statu quo monétaire face aux incertitudes liées à la guerre commerciale, avec des surtaxes douanières américaines de 25% sur l'automobile et de 50% sur l'acier qui pénalisent le Japon.
Le pays est aussi menacé d'une surtaxe "réciproque" de 24% sur toutes ses exportations, mise en pause par l'administration Trump jusqu'à début juillet.
Pour autant, les analystes s'attendent à une reprise des hausses de taux au plus tard début 2026.
"En mai, la BoJ prévoyait une inflation hors produits frais de 2,2% en moyenne pour l'exercice budgétaire débuté en avril", et au vu des chiffres de mai, l'inflation "devrait largement dépasser ses prévisions", juge Marcel Thieliant, de Capital Economics.
"L'ampleur du dépassement justifie un resserrement plus précoce (de la part de la BoJ)", estime-t-il, tablant sur une nouveau relèvement de taux dès octobre.
Pour contrer le retour de l'inflation, la BoJ avait entamé en mars 2024 un resserrement de ses taux après dix ans de politique monétaire ultra-accommodante, mais a suspendu cette dynamique après janvier dernier face à l'assombrissement de l'horizon économique.
(P.Kruger--TPT)