

Privée de financements publics, une radio locale américaine lutte pour sa survie
Une lumière blanche s'allume au-dessus de la porte du studio d'Allegheny Mountain Radio, le signe que Bonnie Ralston vient de prendre l'antenne de cette petite radio communautaire, située dans une région montagneuse de Virginie, aux Etats-Unis.
Casque sur les oreilles, elle énonce les titres du jour d'une voix légèrement chevrotante: fermetures de routes, arrivée des couleurs de l'automne dans les forêts, distribution d'aide alimentaire, résultats sportifs...
Derrière ce rituel, la bénévole de 59 ans se dit inquiète.
Donald Trump a fait voter en juillet la suppression de fonds fédéraux à l'audiovisuel public.
Ces coupes ciblent en priorité les radios et télévisions nationales NPR et PBS, accusées par le président américain de dérive progressiste.
Mais elles affecteront aussi des centaines de stations de télé et radio locales qui diffusent une partie de leurs contenus.
Dès l'année prochaine, Allegheny Mountain Radio sera ainsi privée de subventions qui représentaient 60 à 65% de son budget.
"On ne sait pas ce qui va nous arriver", s'inquiète Bonnie Ralston.
La petite station, qui emploie dix personnes, a les réserves suffisantes pour survivre au moins un an, assure son directeur, Scott Smith.
Mais "on ne pourra pas continuer à fonctionner dans le rouge et à puiser dans les réserves indéfiniment. On sait qu'à un moment donné, on va se retrouver à court d'argent si nous ne trouvons pas d'autres sources de revenu", explique-t-il.
"Au bout du compte, c'est notre existence même qui est en jeu", regrette M. Smith, carrure imposante et longue barbe grise.
- Conséquences dramatiques -
Nichée au coeur des Monts Allegheny, dans les Appalaches, dans l'est des Etats-Unis, la radio est l'un des seuls médias locaux.
Peu de signaux radio extérieurs parviennent dans cette zone reculée, à une centaine de kilomètres du premier centre commercial, où le réseau téléphonique est capricieux.
Allegheny Mountain Radio est "absolument essentielle pour l'information locale", de la météo aux fermetures de classes ou de routes, souligne Jay Garber, le maire de Monterey, un village de 120 habitants qui fait partie de l'un des trois comtés couverts par la station.
D'autant que la plupart des habitants sont âgés et continuent de s'informer grâce aux médias traditionnels.
C'est le cas de Polly Turner, 74 ans, qui dit dépendre largement d'Allegheny Mountain Radio pour suivre l'actualité.
"Nous en avons besoin, nous serions perdus sans ça", confie cette femme aux cheveux gris, qui ne possède pas d'ordinateur.
Chris Wayne redoute quant à lui des conséquences dramatiques si la station venait à disparaître.
"Dès que vous sortez un peu de la ville, le réseau téléphonique disparaît. La radio devient le seul moyen d'apprendre, par exemple, qu'une inondation arrive", alerte cet habitant de 42 ans, soulignant que Monterey se situe en contrebas de la rivière Jackson, un important cours d'eau.
- Critiques -
Dans cette région rurale qui a massivement soutenu Donald Trump à la dernière présidentielle, Allegheny Mountain Radio n'a pas toujours fait l'unanimité.
"Certains disent que nous sommes gauchistes parce que nous diffusons les journaux de NPR", témoigne Scott Smith, le directeur de la radio, ajoutant toutefois que "la majorité des gens ici comprennent la valeur de ce que nous apportons".
Depuis l'adoption par le Congrès des coupes voulues par le président républicain, les témoignages de soutien ont afflué.
Allegheny Mountain Radio a reçu des dons de plus de 200 personnes à travers les Etats-Unis.
De quoi rendre son directeur "optimiste".
"Quand vous recevez ce niveau de soutien et de reconnaissance, cela ne fait que renforcer votre détermination", affirme Scott Smith, qui promet de "ne pas céder et de continuer à se battre pour trouver des solutions".
(P.Kruger--TPT)