Objectifs climatiques: l'Europe sous pression avant la COP au Brésil
Pour éviter une "catastrophe diplomatique", les Européens vont tenter d'arracher un accord mardi à Bruxelles sur la réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre en 2035 et 2040, juste avant la conférence de l'ONU sur le climat au Brésil.
"Arriver les mains vides" à cette COP30 de Belem "nuirait vraiment à la crédibilité de l'Union européenne", résume un diplomate.
Probablement jusqu'à la nuit tombée, les ministres de l'Environnement des 27 vont plonger dans de longues heures de tractations dont l'UE a le secret.
Les Etats européens doivent s'accorder à l'unanimité sur la réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre en 2035 - un chiffre que l'ONU leur réclame depuis des mois pour la COP - et à la majorité qualifiée sur leur loi climat en 2040.
Le bras de fer est difficile dans une Europe qui a relégué les questions climatiques derrière les enjeux de défense et de compétitivité ces derniers mois.
A ce stade, les Vingt-Sept n'ont pas endossé l'objectif proposé par la Commission européenne de baisser de 90% les émissions en 2040 par rapport à 1990 - l'UE en était à -37% en 2023 - , avec à la clé des transformations majeures pour l'industrie et le quotidien des Européens.
L'Espagne et les pays scandinaves soutiennent cet objectif, tout comme l'Allemagne moyennant quelques concessions.
Mais pas la Hongrie, ni la Pologne, la République Tchèque ou l'Italie, qui y voient une menace pour leur industrie.
La France a quant à elle entretenu le suspense jusqu'au bout, s'attirant les foudres des organisations environnementales.
Paris a successivement réclamé des garanties sur le nucléaire, le financement des industries propres, puis un "frein d'urgence" pour prendre en compte les incertitudes sur la capacité des puits de carbone (forêts, sols...) à absorber du CO2, au moment où l'état des forêts se dégrade en Europe.
- "Echappatoires inutiles" -
Pour rassurer les plus réticents, les discussions porteront mardi sur ces "flexibilités" accordées aux Etats, dont la possibilité d'acquérir des crédits carbone internationaux, qui financeraient des projets en dehors de l'Europe.
La Commission européenne a fait un geste début juillet en proposant d'intégrer jusqu'à 3% de crédits carbone à l'étranger dans la baisse des émissions de 90%.
Insuffisant pour une série de pays, dont la France, qui fixe désormais comme condition une part de 5% de crédits internationaux pour adopter l'objectif 2040.
Des Etats ont aussi poussé pour inscrire dans cette loi climat une clause de révision tous les deux ans, qui permettrait d'ajuster l'objectif s'il s'avérait trop difficile à atteindre.
Autant de concessions qui hérissent les organisations environnementales. "Les Etats membres ne devraient pas affaiblir" davantage les ambitions européennes avec "des échappatoires inutiles telles que les crédits carbones internationaux", critique Sven Harmeling, du réseau d'ONG CAN Europe.
Un diplomate relativise. Le compromis que l'UE pourrait adopter mardi "ne sera pas forcément très joli", mais "nous essayons de faire quelque chose de bien" dans le "monde réel et désordonné tel qu'il est".
"C'est un numéro d'équilibriste délicat", mais "nous semblons converger", pense une autre source diplomatique.
Sur l'échéance 2035, les pays européens avaient tenté de déminer le terrain au mois de septembre en mettant en avant une fourchette de réduction des émissions comprise entre -66,25% et -72,5% par rapport à 1990.
Il leur appartient désormais de formaliser cette dernière pour qu'elle devienne l'objectif contraignant qu'attend l'ONU, la "NDC" dans le jargon onusien.
Au ministère français de la Transition écologique, on juge en tout cas "impensable que l'Union européenne n'adopte pas de +NDC+ avant d'arriver à Belem. Ce serait une catastrophe diplomatique".
Malgré l'âpreté de ces négociations, l'Union européenne affirme qu'elle maintient son rôle de locomotive en matière environnementale. Avec ses Etats membres, elle se présente comme le plus gros bailleur de fonds de la planète en faveur du climat, comptabilisant 31,7 milliards d'euros de fonds publics mobilisés en 2024.
Très loin derrière la Chine, l'Union européenne est le quatrième émetteur de gaz à effet de serre dans le monde, après les Etats-Unis et l'Inde.
(M.Adams--TPT)